Janvier 2014 ou comment vivre plusieurs mois en un seul.
Si j’avais eu envie de prouver ma capacité d’adaptation, ce mois-ci fut parfait !
Reprenons par ordre chronologique. Début janvier je rentre de vacances familiales et amicales heureuse d’avoir vécu avec ceux que j’aime mais très fatiguée par la maladie qui progresse, par le voyage, par l’inquiétude d’un nouveau traitement à venir. De plus, je suis bousculée par le départ de notre fils aux USA pour encore 6 mois après être revenu près de nous pour les vacances. Je suis chahutée par l’approche de l’envol de notre ainée vers Jakarta, début février, et pour 2 ans. Elle va me manquer, je le sais mais je suis fière d’elle, cela me console.
Tout ceci me donne l’impression de tourner dans mon « lave linge » émotionnel. Adaptation, adaptation.
Le 5 je retrouve mon oncologue et par la même occasion ma « feuille de route ». Nouvelle chimiothérapie, nouveaux effets secondaires à apprivoiser. Avant même la prise du premier cachet, mon corps somatise, je tremble, j’ai des nausées. Bref, je n’ai pas envie d’y aller. Mon onco, prudente, me dit d’attendre un peu pour démarrer ce traitement qui est à prendre tous les jours, sans arrêt, et à durée indéterminée. Consciente de ma résistance, je pleure cette vie que je perds, celle où je vivais indépendante de tous cachets et de tout effet secondaire. Je désespère de mon énergie perdue…
Je suis en paix pour mon avenir car la mort me fait nettement moins peur, c’est vivre en marge des autres qui me fait mal. Si j’aime profondément mes temps de solitude, j’ai aussi un immense plaisir à être en lien avec vous tous alors quand je ne vis que l’un des 2, j’ai la désagréable impression de vivre à moitié.
Puis mon instinct de survie prend le dessus, mon sens du « devoir » aussi. Courageuse, et je vous assure qu’il en faut beaucoup, j’avale le premier comprimé. Ce simili bout de sucre blanc qui contient tant d’espoir et tant de crainte. Pendant 4h tout va bien puis c’est la chute. Le corps, mais surtout le ventre, se cabre, hurle, gonfle. Mon psychisme et mes ressources petit à petit, sur 2 jours, s’amenuisent et me font régresser à l’état de larve déboussolée et paniquée dans mon lit de douleur… car cette fois-ci, à la différence des chimio précédentes, j’ai très mal au niveau du diaphragme et dans le ventre. Cette douleur me plie en deux, j’ai des difficultés pour respirer.
Depuis 2 ans, à ce point là, c’est la première fois que je vis un repli sur moi. Je ne veux voir personne, parler à personne, je me cache, je me protège diront certains, je m’enferme. J’entends dans ma tête : « autant mourir de suite que de prendre ce cachet à vie ».
J’ai ressenti ce que je pensais ne jamais vivre, une envie de haïr ceux qui vont bien, ceux qui vivent « normalement », de les écarter de moi car leur affection brûle.
Rappelons-nous, j’avais un peu vécu cela aux sports d’hiver en décembre 2011, mais sans cette sorte de rejet de l’autre, en plus cette fois c’est tous les humains que j’éloigne.
Heureusement mes « anges » veillent toujours. Doucement mais sûrement ils viennent me tirer de ma grotte et m’aider aux passages de la métamorphose, celle qui permet au corps de muter.
Oui, vous êtes restés là, patients et amoureux de mon être en devenir. Alors un jour le plomb dans mon cœur a fondu et l’être a pu remonter à la surface.
Merci au groupe Joie, à la chorale, à Béatrice ma magnétiseuse, à Muriel Hermès « guérisseuse de l’invisible », vous avez œuvré dans le bon sens. Merci à mon oncologue, à Emmanuel L. et à vous tous qui par vos messages m’avez dit « tiens bon Cécile, tiens bon ». Merci bien sûr à mes enfants et à mon mari qui, avec patience et toujours dans un regard bienveillant et plein d’amour, sont restés présents, partageant mes émotions sans me montrer leur panique. Avançant avec moi, petit pas par petit pas. N’écoutant pas mon envie de les tenir à distance.
Je fais l’hypothèse que grâce à la passion que j’ai eu pour mon métier de psychologue, grâce à mon goût de partager avec eux la joie que j’avais d’accompagner vers la vie des personnes en grande souffrance, mes enfants ont appris, tout petits, à ne pas avoir peur de la souffrance de ceux qu’ils aiment (ou pas)… Cet apprentissage de vie nous est bien utile aujourd’hui !
Et, comme me l’avait aussi prédit mon médecin, mon corps s’est habitué, la mutation s’est faite, je suis revenue dans le monde des vivants et finalement assez vite pour faire dire à mon mari : « tout le monde doit penser qu’on est fou, mythomanes. Hier tu étais au fond du trou aussi mal qu’il y a 2 ans et aujourd’hui personne ne peut imaginer que tu es malade, sous chimio lourde ».
Oui, je suis ainsi faite, je vis à plein ce qui bouge en moi et tente de ne m’accrocher ni à la douleur, ni au faire semblant que tout va bien… même si ce n’est pas si simple d’apparaître comme folle J
Je suis persuadée que beaucoup d’entre nous n’osent pas se dire afin d’avoir l’impression de rester cohérent pour les autres, avec un discours identique : Je vais bien tout le temps ou je vais mal tout le temps…
Mais ce n’est pas la vie, en tous cas pas tant que nous ne sommes pas devenus tous des êtres spirituels de haute volée ou des grains de poussière. En évitant notre réalité ou si on se leurre en voulant leurrer notre entourage, nous passons à côté de nous même et donc des mutations que l’on a à vivre. Oui, lâchons nos carapaces afin que nos corps respirent ! Rions, chantons, dansons dès que le souffle paraît.
Alors si ce temps de chute fut puissant, heureusement il ne dura que 10 jours. À part mes fameux et fragiles globules blancs qui chutent (mais qui permettent aussi au cancer de mourir, j’espère) je n’ai encore eu aucun des effets secondaires que la médecine avait prévus mais un autre : une multitude de boutons qui montrent une allergie à la molécule… mais on le serait à moins n’est-ce pas ? Pour l’instant, rien de grave et je vais vraiment bien.
Mon enseignement du mois ?
Je suis passée de la petite phrase qui a envahi mon être : « j’abandonne, autant mourir tout de suite » à « je m’abandonne et je verrais bien qui va me réceptionner, à vous de bosser, moi je ne sais plus »… preuve en est que j’ai alors laissé de la place à de nombreux anges bienveillants et, ma foi, fort efficaces.
Gratitude au Souffle de vie.
Je ne prie plus pour rester vivante, je prie car j’aime cela. La Lumière est belle dans l’énergie Divine.
Je vous embrasse,
Cécile